Témoignages | DAHLIR

Dans l’œil du chercheur n°3 #ImpactSocialparleSport

Publié le 18 novembre 2022

Dans l’œil du chercheur n°3 #ImpactSocialparleSport

Jean-Charles Basson est maître de conférences et chercheur au laboratoire CRESCO à l’Université de Toulouse. Il s’intéresse notamment à la construction sociale des inégalités de santé. Aux côtés des laboratoires SHERPAS et VIPS, il s’est lancé dans l’ambitieux programme Impact Social par le Sport.

Qu’est-ce qui vous intéresse dans le programme Impact Social par le Sport ?

Je suis sensible à l’utilisation du sport en tant que moyen placé au service de leviers sociaux, culturels et politiques à même de façonner l’environnement dans lequel nous vivons, et non comme une fin en soi.

À ce titre, les trois associations (Breizh Insertion Sport, DAHLIR et Rebonds!) qui sont à l’origine du programme Impact Social par le Sport interviennent notamment auprès de « publics précaires », des jeunes garçons et filles issu.es des quartiers de la politique de la Ville qui entretiennent un rapport particulier à leur corps. On sait que chez les personnes d’origine populaire (singulièrement, les garçons), le sport est un symbole de présence au monde, un moyen de revendiquer un statut, d’occuper un espace, voire d’afficher un volume musculaire et de disposer d’une force utile et efficace. Toutefois, il est important, à mon sens, de faire valoir que le sport est également garant d’une forme d’équilibre et d’accomplissement personnels, un gage de partage et d’ouverture à autrui, et ce pour toutes les couches de la population, pour tous les âges et tous les sexes.

C’est donc la dimension profondément socialisatrice du sport qu’il s’agit d’activer au profit de l’éducation et de l’insertion professionnelle des jeunes disposant de peu de ressources pour se faire une place valorisée et valorisante au sein de notre société et contribuer ainsi à la construction d’un bien commun. Cette ambition suppose de concevoir des pratiques particulières d’intervention sociale à même de tirer le meilleur parti du sport et des activités physiques et corporelles au sens large. Ces pratiques se réfèrent directement au domaine du socio-sport, aujourd’hui en cours de codification, dont nous entreprenons l’analyse.

Concrètement, sur quel sujet porte votre recherche ?

Pour résumer grossièrement notre travail, je dirais que nous nous posons les questions suivantes : Qu’est-ce que le socio-sport ? Selon quelles références (théoriques, historiques, culturelles…) est-il défini ? À quels domaines (professionnels, sociaux, militants…) emprunte-t-il ? Par quels acteurs (publics, privés, bénévoles…) est-il porté et mis en œuvre ? Avec quelle(s) ambition(s), quelles procédures d’évaluation ? Auprès de quel(s) « public(s) » ? Selon quelles modalités et méthodes ? Dans quels contextes et conditions ?… En clair, il s’agit de tenter de cerner l’ensemble des aspects qui constituent aujourd’hui le socio-sport. Il y a du travail !

La sociologie que nous pratiquons est ancrée dans le terrain et suppose une forte imprégnation empirique. C’est ainsi que nous portons, en premier lieu, notre intérêt sur Breizh Insertion Sport, DAHLIR et Rebonds! qui se réclament du socio-sport et que nous investissons de l’intérieur. Personnellement, à Toulouse, je travaille sur Rebonds! de longue date. Nous privilégions les méthodes qualitatives de recueil et de traitement des données en recourant à 1. des entretiens et des récits de vie avec les différents acteurs concernés, 2. des observations (participantes ou non) de terrain pertinentes au regard de l’objet qui nous mobilise, enfin 3. l’analyse documentaire des pièces produites (rapports d’activités, projets, organigramme…) par les trois associations sur cette question.

Une première restitution de notre travail d’enquête, qui sera mené sur le temps long, est prévue en décembre 2022, à Nantes, devant une audience composite de professionnels avec qui nous pourrons échanger et débattre.

Selon vous, quels sont les points de vigilance de cette étude ?

Pour ma part, je serai particulièrement attentif au fait que le socio-sport ne soit pas une nouvelle tentative de labellisation d’acteurs et de pratiques revendiquant leurs distinctions par le seul recours à des procédés de communication, de valorisation et de publicisation. Si cet enjeu s’entend dans un environnement concurrentiel, dont les frontières sont mouvantes, qui masque une grande diversité de pratiques et qui se recompose très largement en cette sortie (espérée) de pandémie et de confinements à répétition, il importe que l’analyse sociologique déconstruise empiriquement, méthodologiquement et théoriquement le projet social et politique que constitue le socio-sport afin d’en faire autre chose qu’une nouvelle catégorie.

Personnellement, il m’apparaît important de tenter de porter au jour les réalités sociologiques qu’il recouvre, les filiations historiques qu’il contribue à (ré)actualiser et les déclinaisons professionnelles singulières qu’il suppose. Bref, revenir aux fondamentaux et faire valoir les multiples facettes et ressorts de la raison sociale du sport en veillant à dépasser, d’un côté du spectre, la condamnation outrée des travers profondément délétères du sport de compétition et, de l’autre côté, la béatitude nimbant l’injonction moralisatrice et culpabilisante à « bouger » en tous lieux et en tous temps.


Propos recueillis par Carine Bonnal